L'antre de l'être

Les fantômes de mes regrets tournent autour de moi, comme autant de vautours affamés au dessus de ma carcasse. J'offre mes restes aux rapaces de ma vie, qu'ils s'en repaissent et s'en écœurent, qu'ils le dégustent jusqu'à la mort. Le corps offert, allongée sur mon lit, je n'ai plus envie de vivre, plus envie de respirer. Le mécanisme incessant de ma respiration me tient en vie, par automatisme, comme pour prouver que jusqu'à ma dernière bouffée d'air, je souffrirai, je ressentirai la douleur vive et incessante de mon mal être, comme pour me prouver une énième fois que je ne peux y échapper. Dans la nuit, j'appelle au secours.. mes cris résonnent contre les murs de ma solitude, je me sens partir.

La lune me recouvre de son plus bel éclairage. Je n'ai jamais été aussi belle que depuis que je suis morte. Son ombre lui dessine les bras qui viennent me recueillir en son sein, berceau de mon tout dernier sommeil. Une nuit noire s'abat sur le monde, mais il dort, personne ne se doute du drame qu'elle révèle. Quelques esprits torturés des mêmes maux aperçoivent la lune mère se meurtrir d'avoir perdu un de ses enfants nocturnes... et le réverbère de mon âme , de vie à trépas s'est éteint, las de n'avoir plus rien à éclairer, lui qui a trop souvent fourvoyé sa lumière sur les chemins trop sombres dans lesquels je m'enlisais.

Reposez-vous, amis, fidèles, bien-aimés, de ne plus avoir à m'en extirper, de ne plus avoir à subir les cris nocturnes de ma dure réalité, celle à côté de laquelle vous ne faisiez que passer. Réjouissez vous de me voir si paisible, si calme et si apaisée, n'est-ce donc pas là tout ce que vous m'avez toujours souhaité?

La vingtaine, le meilleur des âges pour ceux qui nous précèdent. L'âge où tout est possible, l'âge où on vit les meilleurs moments, l'âge de l'insouciance...

Insouciance? On ne doit pas en avoir la même définition...
En regardant autour de moi, je ne vois pas de l'insouciance. Je vois des doutes, je vois des hésitations, des méditations, des remises en question perpétuelles, mais pas de l'insouciance, tout sauf de l'insouciance.

Soyons réalistes: la vingtaine, c'est l'ère du grand questionnement, c'est l'âge des grandes décisions. Surtout lorsqu'on fait des études, et qu'on doit "choisir notre avenir". On va prendre un tournant dans notre vie, on va choisir une voie, et on va aller jusqu'au bout de celle-ci, qui va déterminer nos 30 prochaines années, peut-être plus. Comment rester serein face à une telle responsabilité?
N'a-t-on jamais qu'une envie à 20 ans?
On en a plusieurs, et on doit choisir, faire des compromis. Nous devons adapter nos envies à nos intérêts, nos ambitions à nos moyens. Tout est affaire de compromis, et cela n'est pas forcément positif, puisque nous abandonnons certaines passions faute de temps ou d'argent. Du même fait, nous sommes sans cesse partagés entre une passion d'aller toujours plus loin dans nos envies, et une raison de faire des choix pour une stabilité.
"Vis tes rêves, ne rêve pas ta vie". Est-ce que ce bon adage avait prévu que les rêves ne sont pas si évidents à réaliser?


L'aube de nos vies, ce n'est pas forcément la vingtaine, c'est juste cette période, ce tournant qui nous demande un effort de compromis et un choix de vie. Rien n'est perdu cependant, lorsqu'on choisit une voie. Parce que même s'il s'avérait que je me sois trompée, que vous vous trompiez, sur la voie à choisir, l'aube de nos vies, c'est toujours avoir le choix de revenir sur sa décision tout en allant de l'avant.

Les choix que l'on fait et les voies que l'on suit ne sont jamais perdues, même quand elles ne sont pas les bonnes. Elles nous façonnent, nous renforcent dans nos décisions et nos ambitions, ou nous font ouvrir les yeux sur des mauvais choix. Ce qu'il faut garder en tête, je crois, c'est qu'elles ne sont jamais infiniment droites.

Nous choisissons une voie, mais qu'est-ce qui nous empêche de tourner à droite au prochain croisement?